Blended Finance le modèle indispensable pour développer les investissements dans le capital naturel

En 2018, Miarakap a démarré ses activités comme « Fonds d’investissement à impacts ».

Selon la définition du Global Impact Investor Network (GIIN), l’investissement à impacts est un investissement « réalisé avec l’intention de générer un retour positif, ayant un impact social et environnemental mesurable, tout en assurant un rendement financier ».

La mission de Miarakap est en ligne avec cette définition : contribuer au développement économique et social et à la conservation environnementale à Madagascar à travers la promotion, l’accompagnement et le financement d’entrepreneurs ambitieux et responsables à fort potentiel de croissance et d’impacts.

En cinq ans, il nous est apparu que notre outil de financement phare, le capital, permettait à des entrepreneurs, comme à des investisseurs, d’atteindre ce double objectif de rentabilité et d’impacts, mais qu’il s’avérait insuffisant en termes de moyens et d’outils pour répondre aux urgences sociales, environnementales et climatiques de notre région.

Nous avons donc construit des programmes et des outils de Blended Finance, pour accroître, rendre plus performants et moins risqués les financements vers les entreprises à impacts, et contribuer ainsi à en faire des acteurs clés de la conservation environnementale et du développement local.


Le Blended Finance permet d’accélérer les projets en faveur de la nature

Selon Convergence, le Blended Finance se définit comme « l’utilisation stratégique des financements du développement et des fonds philanthropiques pour mobiliser les flux de capitaux privés vers les marchés émergents, engendrant des résultats positifs pour les investisseurs et les communautés touchées ».

Il s’agit donc d’une approche qui implique l’utilisation de fonds publics et philanthropiques pour modifier le profil risque/rendement des projets d’investissement afin d’attirer le secteur privé[1].  Au cours des 15 dernières années, les 600 transactions de Blended Finance ont mobilisé en moyenne 10 milliards USD par an mixant directement des sources publiques et privées, ce qui est très peu comparé aux volumes totaux de l’aide publique au développement (200 milliards USD en 2022) à ceux de l’investissement à impact (40 milliards USD en 2022).

Avec 83 % de la population en situation d’extrême pauvreté et moins de 2% de la population occupant un emploi formel, le grignotage des écosystèmes naturels est souvent le principal moyen de subsistance des populations rurales et périurbaines : charbonnage, tavy, cuisson des briques, surpêche, exploitation des ressources naturelles animales et végétales menacées sont le package de survie des populations locales vulnérables, en l’absence d’opportunités économiques et sociales.

La situation est similaire aux Comores, avec un taux d’extrême pauvreté de 43% ou au Mozambique à 71%.


[1] The Blended finance playbook for nature-based solutions – Earth Security


La communauté des défenseurs de l’environnement reconnaît largement que la pauvreté est un facteur déterminant de la détérioration du capital naturel. La plupart des ONG de conservation à Madagascar et aux Comores en tiennent compte et s’efforcent de proposer des activités génératrices de revenus aux populations locales. Cependant, les ONG seules ont souvent du mal à mettre en place des entreprises économiques viables à l’échelle appropriée, et il est nécessaire que les entrepreneurs interviennent et proposent des solutions économiques viables. Nous pensons que les entreprises axées sur l’impact environnemental représentent un élément crucial de la solution, souvent négligé, et qu’elles ont le potentiel de jouer un rôle beaucoup plus important dans l’agribusiness, l’agroforesterie, les énergies renouvelables, la gestion des déchets, les combustibles verts, l’éducation, l’écotourisme, la santé, etc.

Les projets portés par des entrepreneurs ne sont jamais idéaux et rarement prêts à être financés, les ambitions d’impacts sont peu formalisées, les outils de suivi et d’évaluation n’existent pas ou peu… Il faut du temps pour que des équipes d’entreprises privées saisissent pleinement ces aspects, et elles ont besoin d’être soutenues pendant cette phase pour les préparer à une mise à l’échelle axée sur l’investissement – un concept communément appelé « investment readiness« .

Ces entreprises ont besoin d’accompagnement : pour améliorer leur compréhension des questions de conservation, forger les bons partenariats environnementaux, développer et mettre en œuvre des stratégies d’impact solides et pour l’accès aux marchés. Elles ont également besoin d’aide en matière de communication – pour présenter leurs modèles aux investisseurs, aux partenaires et aux clients – mais aussi en matière de plaidoyer, pour favoriser la mise en place d’un environnement favorable.

Le contexte local, combiné aux conditions économiques qui prévalent, introduit une série de facteurs de risque qui freinent la création et la croissance des entreprises. Les entreprises axées sur des solutions basées sur la nature suivent souvent une voie plus expérimentale et sont confrontées à des risques plus élevés, dans des horizons de temps plus long avant d’atteindre la viabilité financière. Ces entreprises et leurs projets ont besoin d’une atténuation des risques (« derisking »). Il convient donc de développer une approche « mixte », dans laquelle le financement public joue un rôle de réduction des risques pour le projet et le financement privé joue un rôle dans le maintien de la rentabilité, la durabilité et l’impact et de l’approche.

« Les contextes économiques et des projets innovants parfois incertains constituent un frein ou des réticences des investisseurs privés, ce qui peut être fatal dans leur réussite. Le blended finance permet de résoudre en très grande partie cet écueil, il permet en partie de dé-risquer, mais surtout d’aller plus loin, plus vite. » – Vincent Lucas (EXAFEED)
  • L’élevage d’insecte consomme moins de terres, moins d’eau et moins d’énergie que tout autre modèle d’élevage ;
  • La valorisation des intrants (les déchets) permet de réduire les émissions des GES liées à leur méthanisation : 1T métrique de larves fraîches permet de réduire les émissions de méthane équivalentes à 4,4T de CO2 (émissions directes et induites). En collectant 20 Tonnes par jour, Exafeed contribuerait à réduire les émissions directes et induites de 88T de CO2 par jour.
  • L’utilisation de la frass permet d’enrichir le sol grâce à des nutriments essentiels, aux bactéries et micro-organismes qu’elle contient.
  • La protéine alternative remplace la protéine de poisson, réduisant ainsi la surpêche : 1T métrique de protéines d’insectes préserve 1T métrique de poissons dans l’océan.
  • La protéine alternative remplace la protéine de soja, contribuant ainsi à la réduction de la déforestation : 1T métrique de protéine d’insectes préserve 1 700 m2 de terres arables.
  • Un emploi formel ou informel est créé pour 500 kg de déchets collectés par jour.

Dans sa phase de recherche et développement, depuis 2017, cette entreprise pionnière et innovante dans la production de protéines alternatives durables a été appuyée par le Critical Ecosystem Partnership Fund et USAID. Ce soutien financier initial a permis à Exafeed de mener des recherches approfondies sur les espèces (des grillons à travers Exafood puis progressivement des mouches soldats noires), les meilleures conditions d’alimentation et d’élevage, etc. à travers une ferme pilote à Tsimbazaza. Ces travaux de recherche ont permis de catalyser le financement d’investisseurs privés, un philanthrope américain et Miarakap, permettant à l’entreprise de consolider ses activités, développer son produit phare et mettre à l’échelle sa chaîne d’élevage et de production. Aujourd’hui, l’entreprise est en mesure de produire une quantité significative de plusieurs tonnes de protéines alternatives durables, a noué des partenariats stratégiques avec des fournisseurs d’intrants et a étendu ses activités dans d’autres régions de Madagascar.


Quels outils de Blended Finance pour quelles situations ?

Financer la création d’un fonds d’investissement passe par des étapes très normées : l’analyse de marché, l’étude de faisabilité opérationnelle, le design juridique, le business plan, la définition de la thèse d’investissement et d’impact, la construction du deal-flow, la levée de fonds, la rédaction des procédures, et le lancement proprement dit. Ces étapes sont longues et coûteuses pour les gestionnaires de fonds, notamment les équipes qui lancent leur premier ou deuxième fonds. Le coût est souvent disproportionné lorsqu’il s’agit de « petits » fonds (moins de 50 millions USD), pourtant a priori adaptés à une approche d’impact locale, régionale, ou exploratoire.

En matière de finance environnementale, la question du financement de phases de design et de préparation est encore plus vitale, car les approches sont innovantes et plus risquées, les benchmarks sont rares et les projets doivent nécessairement passer par une première phase exploratoire.

Les subventions de design stratégique permettent de former les gestionnaires de fonds et les équipes d’investissement dans les domaines complexes du climat et de la biodiversité. Des investisseurs d’impact comme Miarakap, déjà habitués au poids de la « mission » dans la stratégie d’investissement et à la nécessité de définir des théories du changement robustes et de cadres de mesure et d’accompagnement de l’impact pertinents, sont des partenaires évidents pour la montée en puissance des structures de financement de solutions basées sur la nature.

Pourtant, ces gestionnaires ou futurs gestionnaires, qui sont souvent des généralistes de la finance et de l’entreprise, doivent eux-mêmes monter en compétences sur les questions environnementales. Ils peuvent le faire à travers des partenariats avec des acteurs de l’environnement, des formations spécifiques, la participation à des conférences et séminaires, des déplacements pour effectuer des benchmarks internationaux ou bâtir des partenariats, l’inscription à des publications payantes etc.


La mise en œuvre de la plupart des projets des entreprises requiert la participation active de plusieurs acteurs locaux tels que les organisations locales, les communautés locales, les employés de l’entreprise. Souvent, ces acteurs nécessitent une formation dans des domaines techniques, commerciaux ou financiers pour être pleinement opérationnels.

Le renforcement de capacité de ces différents acteurs, à travers de l’assistance technique avant l’investissement peut jouer un rôle déterminant dans la réussite du projet.

Dans le cadre du programme Mitsiry, nous accompagnons les bénéficiaires dans cette logique d’investment readiness à travers des renforcements de capacité stratégique, organisationnelle, financière, d’impactsur 4 axes systématiquement (1) une gouvernance aux normes : des comités de pilotage mensuels et des reporting réguliers, qui permettent de réaliser un suivi technique et budgétaire détaillé et régulier des différents projets, (2) un système de suivi et d’évaluation aux normes internationales, (3) un accompagnement administratif et financier et (4) un accompagnement sur-mesure sur la formalisation de la stratégie d’impact et de la théorie du changement.



Nous avons également développé un accélérateur de start-ups à impact positif sur la conservation de l’environnement, pour les préparer à cet investment readiness.

Dans les pays émergents, l’un des obstacles principaux au développement du secteur privé réside dans les défaillances du secteur public (infrastructures, sécurité, éducation et formation, cadre légal, instabilité macroéconomique et politique…). A travers le financement du secteur privé local, les institutions de développement peuvent mitiger une partie de ces obstacles.

Les projets à impact environnemental positif présentent généralement des profils de risque élevés, des horizons de rentabilité lointain et des niveaux de rentabilité modéré, soient parce qu’ils requièrent d’importants investissements sur des durées d’amortissement très longue (énergie solaire, écotourisme…), soit parce qu’ils s’imposent des contraintes qu’ils ne peuvent totalement répercuter sur leurs prix de vente (filières agricoles ou d’élevage durables…), soit parce qu’ils subissent des risques exogènes incontrôlables liés justement à la nature (événements météorologiques, sanitaires …).

La subvention de contrepartie (ou matching grant) est le principal outil de financement utilisé dans le cadre de Mitsiry. Il s’agit du dispositif de co-financement de projet à impact social et environnemental, portés et cofinancés par des entreprises privées. A travers ce dispositif, les entreprises sont utilisées comme partenaire de mise en œuvre de projets locaux, de développement économique des communautés locales et de conservation de la biodiversité avec des projets d’utilité public comme la formation professionnelle gratuite pour des étudiants issus de milieux défavorisés par Vatel(une école supérieure spécialisée dans la formation à l’hôtellerie et l’écotourisme),la formation et la sensibilisation d’apiculteurs par SSM, l’accès à des services de base comme l’énergie par Jiro-Ve.


La subvention de contrepartie pour pallier aux besoins d’investissement importants liés aux projetsque les entreprises ne peuvent pas absorber seules : Anka, utilise le Blended Finance sur chaque projet de construction de nouvelles centrales avec un mix de subvention, de capital et de dette. L’entreprise peut ensuite mettre en œuvre le projet et financer elle-même l’exploitation des installations avec un modèle économique viable.


En général, ce type de garantie permet à la fois d’attirer davantage de capital et d’en réduire les exigences de rendement. Les garanties de risque protègent les investisseurs contre les pertes, dans le cadre d’une structure de capital. Le garant accepte de couvrir la perte (totale ou partielle) d’une opération de financement par un tiers en cas de non-remboursement ou de perte de valeur. Les garanties permettent aux transactions d’attirer des capitaux à des taux plus favorables avec des exigences de rendement réduites.


A Madagascar et dans les pays de la région, où le lien entre l’extrême pauvreté et l’adaptation au changement climatique et la préservation de la nature et est évident, tout plan d’adaptation et de conservation doit impérativement reposer sur l’amélioration des conditions et opportunités économiques et sociales des populations vulnérables. Cela passe inévitablement par le levier de l’entrepreneuriat à grande échelle en nombre et en ambition, à travers des projets d’envergure.

Dans un contexte caractérisé par une incertitude extrême, des infrastructures insuffisantes, un manque de compétences et de ressources financières pour favoriser le développement des entreprises, le Blended finance émerge comme l’outil adapté par excellence. Il représente la convergence et l’effet de levier entre des capitaux publics et privés pour soutenir des initiatives environnementales et sociales à fort impact. Il introduit également la nécessaire collaboration

entre les acteurs du développement, de la conservation et de l’économie.

Malgré ses avantages manifestes, le Blended finance rencontre des défis majeurs, notamment la difficulté de communication et de coordination entre les acteurs publics et privés, la complexité à atteindre de manière ciblée et granulaire les entrepreneurs sur le terrain, ainsi que l’ampleur nécessaire pour démontrer la pertinence des projets à grande échelle.

Face à ces obstacles et à la complexité inhérente du modèle, le développement de structures intermédiaires spécialisées dans la création du dispositif, la gestion et l’attribution des fonds de Blended finance et capable d’articuler les différents éléments en jeu se révèle crucial pour faire progresser ces initiatives. C’est dans cette perspective que Miarakap se positionne, en tant qu’acteur central favorisant la synergie entre les divers intervenants.


Avec la contribution de :

  • Camille André-Bataille, Fondatrice et Directrice Générale de ANKA
  • Laura Razanajatovo, Directrice Générale de Senteurs et Saveurs du Monde
  • Roger Fenohery Andriamifidy, Fondateur et Directeur Général de Ando Pépinière
  • Rik Stamhuis, Fondateur et Directeur Général de Jiro-Ve
  • Vincent Lucas, Fondateur et Directeur Général de Exafeed
  • Houssen Mebobaly, Fondateur et Directeur Général de Malakass
  • L’équipe de Miarakap
  • L’équipe de Kinomé